ELEMENTS POUR
EXPERIMENTATION
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sur les extraordinaires transformations biochimiques successives qui s'effectuent dans la chrysalide jusqu'à l'éclosion du papillon

Je voudrais parler des effets visibles que les accidents de l'ostéogenèse provoquent dans l' aspect extérieur des imagos.

Si les transformations qui se succèdent dans les chrysalides provenaient de mécanismes immuables, indifférents à tout accident, le développement d'une espèce serait rigoureusement le même pour tous les individus de la dite espèce et tous ces individus seraient identiques. Or ce n'est pas le cas et vous savez tous qu'il n'existe pas deux exemplaires d'une espèce quelconque qui soient absolument semblables en tous points. Même si ces différences n'apparaissent pas à l'œil nu, voire à la loupe il serait facile de montrer que le nombre d'écailles, leurs dispositions et même les couleurs sont différents d'un individu à l'autre. Ces différences peu décelables à première vue finissent par apparaître lorsqu'on est en présence d'une série d'exemplaires : on constate alors l' extension ou la diminution d'un dessin , le renforcement ou l' éclaircissement d'une couleur , un saupoudré d'écailles plus ou moins dense, etc., sans parler de la taille variable d'un individu à l'autre.

En fait, il n'y a pas d'espèces représentée par un papillon type. Celui qui a été choisi pour tel est en général le premier spécimen décrit par son inventeur et ce dernier aurait tout aussi bien pu en choisir un autre, s'il en avait découvert plusieurs le même jour. Autour de cet individu il y a tous les autres de la même espèce, tous différents par d'infimes détails insuffisants, en tout cas pour être décrits, on l'a d'ailleurs admis, puisque, à côté du type retenu il y a souvent plusieurs co-types

Mais à l'intérieur de l'espèce apparaissent parfois des individus s'écartant tellement du type au sens large que je viens de définir que leurs présences soulèvent bien des questions.

Pourquoi cet individu est – il si notoirement différent de ses congénères capturés en même temps ? pourquoi telle ou telle modification particulière apparaît elle plus fréquemment dans telle ou telle station ? pourquoi y en a – t – il davantage certaines années ? autant de questions - et il y en a d'autres - qui trouvent leurs explications dans les accidents ou les incidents survenus chez la chrysalide au cours de son évolution, avant l'éclosion. Or je vous le demande, quel genre d'accident ou d'incident, en dehors d'être dévoré par un prédateur, peut – il survenir à un animal totalement inerte comme l'est une chrysalide ? on a vite pressenti que ces accidents ne pouvaient être que d'ordre climatique. Mais alors, comment expliquer que sur un même biotope , il y a des papillons très aberrants au milieu d'une foule d'exemplaires normaux puisque toutes les chrysalides ont apparemment subi les même conditions climatiques ?

C'est que le climat d'une station n'est pas une unité comme je vais essayé de vous le montrer en partant d'un exemple volontairement outré.

Soyons optimiste et considérons une grande pièce comme un biotope : son « climat » est caractérisé par une atmosphère calme, une température assez égale variant de 20 à 24° au cours de la journée et par une humidité relative de l'ordre de 50 à 60% de saturation, ce sont là les caractères généraux, mais à l'intérieur de cette même pièce , il fait localement plus chaud près des lampes allumées et près des radiateurs, plus froid au niveau du sol qu'à un mètre et sous le plafond, plus clair près des vitres . La différence de température entre le moment le plus froid de la journée et le plus chaud qui atteint 4 à 5° en son milieu, dépasse probablement 12 ou 14° près des fenêtres s'il y a du soleil. Il peut se produire des condensations sur les vitres s'il fait froid dehors, il y a de petits courants d'air autour des portes, etc. Chacun de ces caractères composent les microclimats ponctuels de cette pièce . Or il s'agit d'un emplacement clos, pratiquement à l'abri des conditions extérieures. Un emplacement de mêmes dimensions à l'extérieur, serait le siège d'un nombre de microclimats ponctuels bien plus grand ; certains points seraient constamment à l'ombre , d'autres exposés au soleil du matin, de midi ou du soir, certains seraient à l'abri de la pluie , par exemple sous une corniche de pierre, d'autres exposés à la pluie et au vent, d'autres très chauds le jour par exemple entre des pierres ensoleillée, d'autres sujets à la gelée blanche et d'autres épargnés par exemple sous un arbre. Sous les touffes d'herbe l'humidité serait plus élevée et la température plus égale que sur une surface nue etc. etc. On aurait donc une quantité de microclimats totalement imperceptibles à notre échelle mais qui agissent sur les chrysalides, lesquelles, à cause de leurs petites tailles peuvent éventuellement être entièrement sous la dépendance et l'influence de conditions qui n'existent, et parfois, temporairement seulement, que sur quelques centimètres cubes et même moins.

Vous me direz : mais alors, si les conditions sont si variables, pourquoi y a-t-il finalement si peu d'aberration dans la nature ? c'est qu'ici intervient un facteur nouveau et indispensable pour provoquer un choc ou une perturbation dans le développement de la chrysalide, susceptible de modifier l'aspect du papillon : c'est le moment où le phénomène météorologique se produit au cours de la nymphose.

A la suite d'observations et d'expériences renouvelées et depuis longtemps classiques, on s'est aperçu que les accidents climatiques de caractère exceptionnel n'influent sur les chrysalides que pendant une période très courte de leur vie et essentiellement pendant les quelques heures qui suivent leur formation. Entre 2 et 12 heures en gros . Au delà de cette période des effets peuvent encore se produire mais plus rarement et après 24 h lorsque la chrysalide a acquis la consistance normale l'action de conditions climatiques spécifiques temporaires est nulle ou quasi nulle. Dans la nature, c'est surtout en montagne, et plutôt en altitude élevée que l'on rencontre le plus d'aberrations accidentelles frappantes, car c'est en montagne aussi que les variations climatiques sont les plus accentuées et les plus instables. Ponctuellement il peut faire une chaleur extrême dans un coin très abrité du vent et très exposé au soleil, même beaucoup plus vif qu'en plaine les gelées brutales peuvent survenir inopinément très tard en saison, les phénomènes orageux s'accompagnent souvent d'une ionisation intense de l'atmosphère qui se charge aussi d'ozone, les rayons ultra violet sont plus actifs, les sautes de températures rapides et une atmosphère surchargée d'humidité peu soudain faire place à un air sec si le brouillard disparaît, autant de conditions favorables pour créer les « chocs » sur les chrysalides et provoquer l'éclosion de papillons aberrants. Des situations analogues se produisent aussi à basses altitude en particulier sur les terrains calcaires ou sablonneux et sur les tourbières.

Les premiers sont favorables à des échauffements locaux considérables au soleil, suivis par un refroidissement marqué dès que l'ombre s'installe, les seconds maintiennent une forte humidité froide favorable à la condensation de rosée et au gel de cette dernière.

On a donc cherché à reproduire artificiellement ces incidents climatiques en laboratoire. C'est ainsi qu'on a soumis des chrysalides récemment formées, soit au froid vif, soit à la forte chaleur, soit à l'humidité ou à la sécheresse et que l'on a combiné deux caractères : froid sec ou humide , chaleur sèche ou humide , et j'en passe bien entendu, car la lumière et l'ombre sont aussi des facteurs susceptibles d'agir sur les chrysalides, de même que les chocs électriques qui ont aussi étés expérimentés. En un mot on a créé des conditions normalement insolites à l'époque où les chrysalides se forment. Mais il est illusoire de croire que le succès est garanti et cela se comprend : le moment propice ou si vous aimez mieux, la période durant laquelle la chrysalide est sensible étant de courte durée, il est rare, si l'on n'en possède que quelques unes qu'elles soient toutes à ce stade critique au moment ou l'on tente l'expérience. Pour augmenter les chances de réussite, il faut disposer d'un grand nombre de chrysalides jeunes sur lesquelles il y en aura toujours quelques unes aux conditions favorables. C'est pour cela que l'élevage préalable doit se faire à partir d'une ponte ou de jeunes chenilles trouvées dans la nature au même stade de croissance, qui donneront à peu près toutes leurs nymphes en même temps.

Ce n'est qu'après bien des tâtonnements, des essais et des échecs qu'on aura acquis l'expérience et la technique conduisant à des résultats intéressants. On saura par exemple que d'exposer au froid vif (-10°) des chrysalides trop molles encore, les fera éclater sous le gel et qu'elles ne résisteront pas mieux à une chaleur élevée et sèche (+42°) alors que les mêmes chrysalides supporteront parfaitement ce même froid ou cette mêmes chaleur, même prolongés, si elles ont 24 ou 48 heures d'âge. De plus, à part de rares exceptions, elles ne produiront plus alors d'aberration notables, sauf, peut être si l'on prolonge pendant des semaines l'action d'un froid modéré. J'y reviendrai.

Pour ces expériences, il n'est pas nécessaire de posséder une installation compliquée et c'est en pensant à ceux d'entre vous qui désireraient entreprendre de tels essais que je le dis : un simple réfrigérateur domestique est exactement ce qui convient pour les expériences au froid où à la fraîcheur. Il est plus difficile, en revanches, d'être bien outillé pour les essais à la chaleur car dans ce cas un four de cuisine est inopérant sauf pour les gourmets qui désirent s'offrir une grillade de chrysalides bien à point. Il est nécessaire, en effet, de disposer d'une étuve. On peut en confectionner une rustique en utilisant une boîte en bois dans laquelle on allume une lampe électrique de faible puissance, 25 watts par exemple, et en y plaçant un chiffon mouillé pour assurer une bonne humidité. Un thermomètre permettra de surveiller la température qui ne devra pas dépasser 42 – 45°, limite au-delà de laquelle peu de nos chrysalides résistent. Il suffira d'éteindre la lampe si la température s'approche de ces 45°, quitte à la rallumer si nécessaire. De toute façon, je me hâte de le dire, les expériences à la chaleur ne sont pas indispensable car on obtient, chose curieuse, les mêmes aberrations qu'avec le froid. Je n'explique pas le phénomène, je le constate. Bien des chercheurs l'avaient déjà remarqué il y a longtemps et l'on trouve de longs commentaires à ces sujet dans leurs écrits, tels ceux de FISHER ou ARNOLD PICHET pour n'en citer que trois.

Tout au plus enregistre-t-on, avec la chaleur, un déchet plus grand, en relation avec la difficulté des opérations et peut-être aussi plus fréquemment l'éclosion de papillons largement dépourvus d'écailles et présentant donc de vastes plages transparentes sur les ailes, ou un saupoudré d'écailles décolorées.

Tout ce que je viens de résumer très rapidement traite d'expériences à des températures extrêmes, c'est à dire de l'ordre de –10 –15° et plus de 42°, mais puisque j'ai dit qu'en pratique l'action visible de la chaleur est la même que l'action visible du froid, je vais un peu écarter pour la suite de cet exposé, la discussion sur la chaleur et m'attarder un peu plus sur celle du froid avec lequel les expériences sont plus faciles à mener et plus variées aussi, les chrysalides étant beaucoup plus résistantes au froid qu'à la forte chaleur.

Il n'est pas nécessaire, voyez-vous, de prolonger les expositions à de très basses températures pour obtenir de très curieuses formes de papillons. En maintenant pendant 3 à 5 heures seulement des chrysalides jeunes à -2° et même simplement autour de zéro, sans aller jusqu'au gel, on a d'excellents résultats . La répétition de l'action du froid sur un lot de chrysalides jeunes semble augmenter le nombre des aberrations , mais il n'est pas prouvé que ce soit cette répétition qui en est la cause. On peut très bien penser que sur le lot faisant l'objet de l'expérience certaines chrysalides n'étaient pas au stade critique lors de la première exposition, mais pouvaient l'être lors de la 2 ème ou de la 3 ème . Le résultat de ces expériences montre en effet, que quelque soit le nombre d'expositions au froid, les chrysalides séparées en lots divers en provenance de la même souche, donnent des imagos ayant le même aspect que ceux issus de chrysalides n'ayant subi qu'une seule exposition. Ce qu'il faut créer artificiellement ce sont des conditions anormales pour les chrysalides à l'époque de l'année où elles se forment et comme nous parlons du froid, c'est donc sur du matériel de fin de printemps ou d'été destiné normalement à éclore pendant la saison chaude qu'il faut agir. Si l'on soumet au froid vif passager des chrysalide d'automne, normalement destinées à n'éclore qu'au printemps suivant on n'obtiendra à cette époque, c'est à dire au printemps suivant, aucune aberration. Il en sera de même si on fait agir la chaleur, avec une réserve toutefois : en effet si l'on prolonge l'action d'une chaleur modérée pendant des semaines on pourra hâter les éclosions qui s'échelonneront au cours de l'hiver mais il n'y aura pas de papillons modifiés. Ils seront hâtifs, mais normaux. J'entends bien normaux d'apparences, car, en fait, ces papillon sont généralement immatures sexuellement et stériles.

La plupart de nos espèces bivoltines ne présentent, dans nos pays , à la 2 ème génération, celle de l'été, que de légères différences d'aspect d'avec ceux de la 1 ère génération –celle du printemps. On constate cependant qu'ils sont, en général, un peu plus petits, mais pas toujours, un peu plus clairs de couleurs, mais pas toujours non plus et plus élancés ou découpés, mais dans l'ensemble, ces différences sont minimes. Bien entendu, il y a des exceptions chez les Piérides, les selenia, certains notodontides et parmi ces exceptions je citerai, vous l'avez deviné, la célèbre petite vanesse, araschnia levana qui présente de telles modifications dans l'aspect des 2 générations que les papillons semblent appartenir à deux espèces. Cette espèce est donc très sensible au climat et elle offre un matériel de choix pour les expériences de température. En voici quelques unes : si l'on fait agir un froid vif (-5° et moins) pendant 3 à 5 heures sur les chrysalides jeunes d'été destinées à donner la forme prorsa en JUILLET / AOUT, on obtient très facilement des séries entières d'exemplaires aberrants ne rappelant pas la forme printanière et seulement de loin la forme d'été. Par contre si l'on traite ces mêmes chrysalides de début d'été, par un froid modéré de 4° à 6° pendant plusieurs semaines, on obtient, après ce délai des papillons exactement pareils à ceux du printemps. On aura en quelque sorte fait «sauter » non pas la génération estivale mais la génération « d'aspect estival ». On obtient aussi cette forme d'aspect printanier en maintenant à l'humidité, à l'ombre et à température de 10 à15°, par exemple dans une cave fraîche, les chrysalides normalement destinées à éclore en été sous la forme prorsa. Des conditions voisines d'un séjour à l'obscurité et à une relative fraîcheur peuvent, d'ailleurs, se produire dans la nature, par exemple au cours d'été très pluvieux.

Mais si l'on traite au froid vif et temporaire, des chrysalides d'automne et non plus d'été, destinées à passer l'hiver, on obtiendra très normalement et sans aberration, des levana du printemps , ce qui n'a rien de surprenant en soi, puisque tôt ou tard ces chrysalides devaient subir le froid de l'hiver. Toujours avec levana, si l'on prolonge l'action d'une chaleur constante sur les chrysalides d'automne on obtient parfois une 3 ème génération tardive dont les imagos ont, pour ainsi dire, les dessins de levana et de prorsa superposés. C'est porima, forme très variable d'ailleurs qui existe parfois dans la nature, les années aux automnes chauds et ensoleillés. En réalité, même les années où porima apparaît dans la nature, ce qui est rare, ces papillons ne constituent pas, à proprement parler, une 3 ème génération, car il n'y a qu'un faible pourcentage de chrysalides qui éclos, le plus grand nombre passant l'hiver pour donner la levana classique en Avril/Mai. C'est en quelque sorte moins une 3 ème génération qu'une première hâtive anormale et partielle. S'il en était autrement et que toutes les chrysalides éclosaient à l'automne, les chenilles issues des pontes de ces papillons en Octobre, n'auraient plus le temps de se développer avant l'hiver, la fraîcheur de la saison et bientôt le froid, puis le manque de nourriture les feraient toutes périr et l'espèce s'éteindrait brusquement dans la station. La nature est prudente.

Certaines espèces ayant 2 générations annuelles ont une évolution particulière : les chenilles de la génération devant éclore au printemps ne passent pas l'hiver sous forme de chrysalide mais à l'état de petites chenilles qui ne se chrysalident qu'à la fin Mai ou en Juin. A ce groupe appartiennent nos grands nymphalides .

Etudions , si vous le voulez bien, le cas de Charaxes Jasius que je connais bien et que j'élève en quantités chaque année. Le papillon vole au début de Juin en provenance de chenilles ayant hiverné. Il pond alors et les chenilles d'été ont une croissance rapide de telle sorte que la 2 ème génération apparaît dès la mi-Aout, après une nymphose de 12 à 13 jours et se prolonge largement jusqu'en Septembre. Ces derniers sont semblables à ceux du printemps, un peu plus foncés, de couleurs un peu plus tranchées aussi et d'une forme générale plus élégante mais le caractère constant qui les différencie de la génération printanière réside en la forme des appendices caudés des ailes postérieures : assez épais et un peu falqués au printemps, ils sont fins et rectilignes en été. Si l'on soumet au froid vif et de peu de durée « 3 ou 4 heures »les chrysalides de mai, comme celles d'Août, on peut obtenir des individus plus ou moins aberrants, les uns avec queues larges et falquées, quand on a expérimenté des chrysalides de printemps, les autres avec queues fines et rectilignes, quand on a utilisé des chrysalides d'été : c'est l'expérience classique. On assiste en revanche, à tout autre chose si l'on soumet à une chaleur élevée et constante (25° +) les chenilles d'automne normalement destinées à vivoter tout l'hiver pour achever leur croissance au printemps. On constate une accélération de croissance étonnante de ces petites chenilles si bien qu'elles sont parvenues à toute leur taille dès Novembre ou Décembre, se transformant en chrysalides alors pour donner en Janvier/Février des papillons à queues fines et peu courbée, quasi identiques à celles des papillons d'été. J'imagine que les spécialistes de l'évolution auront des explications à donner ou à proposer, mais je ne m'y risque pas. Je constate et je vous convie à tenter l'expérience. Il leur suffira de réunir quelques douzaines de chenilles d'automne de Jasius, de les élever à + de 25°, de bien les nourrir, ce qui n'est pas si facile en hiver.

Toutes ces expériences, pour tout dire, tiennent beaucoup plus de l'acrobatie que de l'entomologie mais il y aurait peut être une étude à faire sur la possible origine commune de certaines espèces quand on constate que les aberrations extrêmes provoquées par le froid ou la chaleur, donnent parfois des papillons quasi identiques d'aspect alors qu'ils appartiennent à des espèces très différentes. Ceci est très frappant chez Vanessa et Urticae d'une part et chez Vanessa Polychloros et Antiopa d'autre part. Il existe chez Antiopa de rares formes aberrantes provoquées, chez lesquelles la large bordure jaune précédée d'une rangée de tâches bleues disparaît presque entièrement aux ailes postérieures qui prennent alors une couleur noire jaunâtre diffuse. La bordure jaune avec sa rangée de points bleus disparaît aussi aux ailes antérieures et ne subsiste que très déformée à l'apex de ces ailes en même temps qu'apparaissent une large ombre le long de la côte et parfois une tache au milieu de l'aile. Le papillon ressemble alors aux formes très aberrantes de Polychloros, en plus foncé. Si la parenté est évidente entre Io et Urticae dont les chenilles vivent sur les mêmes orties aux mêmes époques et comptent l'une et l'autre 2 générations, elle est non moins frappante entre polychloros et antiopa dont les chenilles sont difficiles à distinguer jusqu'à la 2 ème mue qui vivent sur les mêmes arbres « bouleaux, saules, ormes »et n'ont l'une et l'autre qu'une seule génération. Chose curieuse qui pourrait renforcer l'idée de parenté proche, Antiopa a 2 générations en Amérique du Nord, tout comme Vanessa californiensis, la polychloros américaine.

Il faut remarquer, dans les aberrations provoquées ou naturelles, qu'il n'y a jamais apparition d'une nouvelle couleur dans les formes accidentelles, mais généralement disparition partielle ou même totale de l'une ou plusieurs d'entre elles au profit d'une autre préexistante et presque toujours la plus foncée. Il arrive, mais c'est plus rare, que c'est la couleur claire qui supplante la foncée. Les collections et l'iconographie des lépidoptères comprennent des centaines de ces exemples.

Il va sans dire que ces expériences ne vont pas sans accidents marqués par des avortements ou des développements incomplets des ailes, mais indépendamment du gel qui peut tuer les chrysalides ou de la chaleur qui peut les dessécher, le froid peut aussi inhiber ou arrêter le développement de certains organes du futur papillon.
Je vous le répète tout ceci tient de l'acrobatie, de la cuisine et même de l'obstétrique ! !

Si j'ai surtout parlé de rhopalocères très frappants, c'est parce qu'il offrent un matériel commun et facile à se procurer, mais bien entendu, ces expériences ont été conduites sur une foule d'espèces indigènes et exotiques, avec des résultats semblables. Ce sont là des curiosités, voire des monstruosités sans valeur scientifique réelle ! Seules sont vraiment intéressantes celles que l'on trouve dans la nature et beaucoup d'entre elles ont effectivement été capturées. Beaucoup présentent des malformations, ce qui montre bien que les chrysalides ont souffert et l'on retrouve chez les papillons la même convergence dans les modifications.

Si ce que l'on réussit artificiellement ne présente pas de véritables intérêt scientifiques il offre au moins un sujet de curiosité et cela suffit largement, j'imagine à satisfaire les amateurs que nous sommes tous.